Les notions de PIB, de dépenses publiques et de prélèvements obligatoires ne sont pas réellement opératoires. Pierre Bauby et Alain de Toledo plaident dans une note publiée par la Fondation Jean Jaurès pour qu’elles ne soient plus la marque d’une vérité scientifique absolue mais redeviennent des indicateurs parmi d’autres.
Synthèse :
Fréquemment utilisées dans les débats contemporains, les notions de « PIB », de « dépenses publiques » et de « prélèvements obligatoires » ne sont toutefois pas réellement opératoires. Il convient donc d’apprécier les limites auxquelles sont confrontées ces notions et de relativiser leur absolutisme scientifique.
Apports et limites du PIB
La définition d’un appareil statistique apparaît aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale – le PIB en première place – avec pour but d’évaluer l’évolution annuelle de l’économie du pays, de comparer les données recueillies à celles des autres pays et d’apprécier l’efficacité de la politique économique au niveau national. Toutefois, à l’heure où les chiffres font figure d’autorité, mettre en cause l’obsolescence du PIB est un impératif.
Le PIB mesure la richesse produite dans le domaine marchand, oubliant les effets externes néfastes ou bénéfiques de cette richesse. Le PIB évalue alors la production marchande comme une augmentation de la valeur ajoutée nationale sans prendre en compte les externalités négatives qu’engendrerait par exemple une production polluante. De la même manière, le PIB ne mesure pas les externalités positives qui entraînent des retombées économiques positives comme l’éducation ou la santé.
Le fait que le PIB mesure la valeur d’un bien au prix du marché est également un problème. En effet, un ordinateur deux fois moins cher et deux fois plus puissant qu’un autre a-t-il moins de valeur ? De plus, les biens « gratuits » comme le bénévolat et les services rendus amicalement ne sont pas pris en compte, alors que des « biens illégaux » comme la prostitution ou la drogue le sont dans certains pays.
Par ailleurs, pour les services de la santé, l’éducation et la sécurité, c’est le coût de production qui a été choisi comme référence pour définir leur valeur en termes de PIB. Encore une fois donc, le PIB n’est pas un indicateur valable pour mesurer les richesses non-marchandes.
« Dépense publique » et « taux de prélèvement obligatoire » : deux indicateurs à relativiser
La dépense publique comprend les dépenses de l’Etat, des collectivités territoriales ainsi que les transferts liés à la protection sociale et aux solidarités. Or, il est infructueux de considérer ces « transferts » comme des dépenses publiques puisque seuls les frais de fonctionnement de la protection sociale et les régimes d’intervention publique devraient être considérés comme tels. De plus, puisque la prise en charge de l’éducation ou de la santé est publique ou privée selon l’organisation politique des pays, la notion de dépense publique ne permet aucune comparaison sérieuse.
Pour ce qui est du taux de prélèvement obligatoire, il ne prend pas en compte les externalités négatives et va jusqu’à s’opposer à un développement soutenable de l’économie. En effet, cet indicateur enregistre le poids des prélèvements obligatoires dans l’économie mais sans prendre en compte les bienfaits apportés par les mesures financées par ces prélèvements.