Je voudrais aborder trois éléments clés du projet social-démocrate, qui ont été à la source de ses succès du dernier demi-siècle, mais qui ne répondent plus aux défis contemporains et qui demandent une profonde rénovation.

 

Le projet social-démocrate a été fondé sur une combinaison de l’économique et du social dans un cercle vertueux qui a permis en Europe un progrès économique et social sans précédent. On le constate de plus en plus, et la crise actuelle le rend évident, il manque ici la dimension environnementale (au sens le plus large). Ce dont tout projet de transformation a besoin, c’est d’un trépied entre l’économique, le social et l’environnemental, qui puisse générer un nouveau cercle vertueux de développement. Il ne s’agit pas de repeindre en vert la façade, mais de réinterroger toutes les dimensions économiques et sociales antérieures au regard des enjeux environnementaux pour définir une nouvelle grammaire conjuguant les 3 piliers.

Seconde caractéristique fondamentale, le projet social-démocrate a pour l’essentiel été fondé sur le cadre de l’Etat-nation. Celui-ci est aujourd’hui déstabilisé d’un côté par le recentrage sur le local et le territorial, de l’autre par le développement de la mondialisation. Comment ne pas voir que l’Union européenne est le cadre dans lequel tout projet de transformation doit s’inscrire, tant elle est aujourd’hui la clé pour maîtriser la mondialisation. Nous avons besoin de plus d’Europe, mais d’une Europe qui se concentre sur les domaines d’action où elle est plus efficace que chacun des Etats agissant séparément et qui sache conjuguer son action avec le national et le local-régional. C’est le second trépied dont nous avons besoin.

Troisième fondement : le projet social-démocrate a reposé sur une action publique forte visant à remédier aux défaillances du marché. Mais nous avons pu constater qu’il existe aussi des défaillances de l’action publique et que celle-ci n’est pas vertueuse par nature. Là aussi, nous avons besoin d’un trépied entre l’action publique, le marché et la société civile, les initiatives de l’économie sociale et coopérative, le non-lucratif. L’action publique a besoin de contre-pouvoirs, d’une réelle démocratie à tous les niveaux.

Autant les relations et interactions entre les 3 caractéristiques (l’économique et le social ; l’Etat-nation ; l’action publique) ont été hier à la racine des succès du modèle social-démocrate, car en prise sur les réalités et enjeux de l’époque, autant ce sont ces 3 trépieds qu’il faut aujourd’hui définir et relier dans touts leurs dimensions. Immense défi à relever ! Mais l’avenir de la social-démocratie est à ce prix.

Pierre Bauby
Intervention lors de la réunion organisée par la FEPS (Fondation européenne d’études progressistes) dans le cadre du 8ème Congrès du PSE (Parti des Socialistes Européens), Prague, 6 décembre 2009.